Mon Oncle spirituel...
Rien à voir, mais tout à commencé par une phrase lâchée en marge de l'expo Keith Haring cet été au Cent Quatre: Jacques Tati, c'est de la pellicule gâchée...
Et dans ma prime jeunesse, tandis que je le découvrais au travers de Jour de Fête ou Les Vacances de Monsieur Hulot, il faut dire que je n'étais as loin de penser pareil ou tout presque.
Mais il n'y a que les maussades qui ne changent pas de temps...
Progrès XXL:
Dans un premier temps tout dans son cinéma me paraissait factice.
Faux rythme, faux son, faux décors et fausse moustache.
Son facteur m'irritait toujours deux fois.
Et puis un jour férié sans doute, j'ai vu Mon Oncle, un peu comme Bernadette vit la Vierge.
Cette révélation fût aussi profonde que l'était notre notre désaccord.
Ce film est un tout et tout m'a plu, tout à coup.
Mon admiration a jailli soudainement comme la fontaine de la maison Arpel, décor/personnage de premier plan du film.
Je ne sais pas si j'ai compris, mais j'ai en tout cas reçu le génie de ce clown urbain face à la difficulté de l'être, même en période de plein essor post-guerre mondiale.
Le progrès c'est bien, sauf quand il n'est pas à votre taille.
Chaplin parlait du pauvre, de la veuve, de l'orphelin, du persécuté et des truands.
Tati parle du loser, de sa soeur, de son beauf, de sa porte et son électro-ménager.
Sorte de chien mécanique ( ceux qui disent oui à l'arrière des voitures) dans un jeux de béquilles, Tati se débat dans le monde moderne comme un éléphant en rollers dans un magasin de bakélite.
Après la Vierge, les madeleines:
Depuis, je n'ai cessé de chercher Tati partout.
Dans ma capitale natale d'abord, qui a subit une Bruxellisation de notoriété internationale dans les années 60, et ensuite à Paris, où je n'ai de cesse de capter les images qui me font penser au réalisateur, et ce même inconsciemment.
Quand on a vu Trafic, on ne voit plus les embouteillages de la même manière, l'effet est irréversible.
J'espère toujours tomber sur l'immeuble où habitait Mon Oncle même si je sais qu'il n'existe pas.
Je prends des photos de toits et de linge qui pend, espérant un jour reconstituer le puzzle.
J'ai loupé la reconstitution de la villa Arpel au Cent Quatre (on y revient).
Jacques Tactile:
Et ce même été, je tombe donc sur cette affiche partiellement déchirée et taguée, issue d'une campagne publicitaire, au coin de la rue Tiquetonne. C'est Jacques Prévert par Jack le Black. Mais moi je pense que c'est Tati vu que je le cherche partout.
Resté bouche bée façon film muet.
J'essaye de prendre une photo mais me heurte (évidemment, sinon c'est pas drôle) à la technologie vacillante de mon tout nouveau smartphone.
Ou alors c'est moi.
Je n'arrive pas à prendre ce cliché et m'énerve de mes doigts bégayants , si bien qu'au bout d'un moment, les passants le remarquent.
Et je comprends une fois de plus ma filiation à ce Jacques.
Et rien à voir mais c'est aussi le nom de mon père.
Ce que certains appellent donc du gâchis, peut devenir un festin pour d'autres, un jour de fête...
Rien à voir, mais Jacques Tati aurait eu 106 ans aujourd'hui.
Pas 100, pas 104.
106.
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