David Bowie, une voix blanche sur des idées noires.
C'est triste mais c'est comme ça.
Depuis l'annonce de la mort de Bowie, les larmes coulent, les hommages pleuvent, et on assiste à un véritable ras de marée de photos, vidéos, gifs, insta, sur les réseaux soucieux.
Une déferlante qui s'abat aussi sur les plates-formes de téléchargement, où David truste huit places dans le Top 20 (dont la première avec Black Star, son album testamentaire), 16 dans le Top 40, 24 dans le top 100 (un quart!), et 34 dans le Top 200 (soit un sixième) .
Il y a un album qui n'y figure pas, et c'est pourtant celui-là dont j'avais décidé de vous parler.
Black Tie, White Noise n'est pas considéré par les puristes comme l'un de ses albums majeurs.
Mais moi, je leur fais un doigt, justement...
1993: Bowie sort des années 80 auréolé par la reconnaissance pop, pour son album populaire Let's Dance comprenant le tube planétaire éponyme mais aussi China Girl et Modern Love, et en a sorti deux dans la foulée Tonight (et son inusable Blue Jean) et Never Let Me Down (que perso, je laisserai tomber).
Cette odyssée dans la pop semble le laisser perplexe.
Il a tenté une expérience en groupe, Tin Machine, mais manifestement n'a pas pris son pied.
Il repart donc pour des plaisirs plus solitaires avec cet album atypique.
Et comme toujours les albums charnière, qui ouvrent pourtant par définition les portes de nouveaux chapitres, ne sont pas souvent reconnus.
Black Tie, White Noise n'est ni pop, ni rock, ni pop-rock, ni rien.
C'est un album un peu concept au son accessible.
Il démarre d'ailleurs sur les cloches joyeuses d'une noce, sur The Wedding , sur un mid tempo très Soul 2 Soul et typiquement 90's, et où il présente un de personnages principaux: le saxophone.
Il est d'ailleurs représenté au dos de l'album, passé aux rayons X.
Rescapé des golden eighties, ce cuivre va marquer de son fer tout l'album, gémissant, criant à la mort, sauvage et blessé comme la fin d'une époque dorée.
Cette complainte qu'on retrouve dans la voix de Bowie dès le deuxième morceau, You've Been Around, blanche et british sur des rythmes ni rock, ni funk, mais toujours black, notamment dans le premier single Jump They Say.
Dans le clip (ci-dessous), c'est un Bowie ultra léché qui menace de se jeter du haut de l'ORTF pour échapper aux costumes bleus et cravates noires.
La chute.
C'est donc le vrai thème de cet album.
La peur du vide créé par un monde qui tend vers l'économie de marché toute puissante, un individualisme grandissant, et un libéralisme tout sauf sexuel.
Cette chute frénétique et cuivrée s'étend jusqu'à Miracle Goodnight, où il prononce ces mots:
I wished I was a sailor, a thousand miles from here, I wished I had a future, anywhere... (1)
David Jones a 46 ans. Il vient d'apparaître dans Twin Peaks, Fire Walk With Me de David Lynch, qui décrit lui aussi une société qui pète un plomb.
Il vient aussi d'épouser Iman, mannequin d'origine somalienne.
Don't Let Me Down est un slow à l'époque où il y en avait encore. Ballade et chanson et cri d'amour.
Qui se prolongera jusqu'à The Wedding Song.
Bowie va dès lors se faire plus rare, plus précieux, plus discret et plus brillant à la fois.
Ses albums suivants retourneront vers le créatif, l'avant garde, le concept.
Plus jamais, il ne connaîtra de gros succès commercial ( Jump They Say est son dernier top 10 dans son Angleterre natale).
La 26 ème étoile de David fût noire, et vit le jour à l'aube de ses 69 ans, tandis que sa voix blanche s'est éteinte le 10 janvier de l'an de grâce 2016.
Et David Robert Jones Bowie fût justement, tout au long de sa vie, touché par la grâce.
Amen.
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(1) J'aurais aimé être un marin, à des milliers de kilomètres d'ici, j'aurais aimé avoir un futur, n'importe où...
Bonus: La vidéo rétro futur de Jump They Say.