C'est une chaussette rouge, accrochée à la cheminée...
C'est Noël, on y échappera pas, pas même sur : De Profil.
Alors pour toutes celles et ceux qui veulent s'évader du repas de famille ou de la bûche en solo, on vous a préparé un menu de fêtes fraichement sorti du four...
Voici donc une nouvelle édition de Fictions Pulpeuses,avec des histoires (très) courtes à lire au coin du feu, après le succès inattendu de Neverending Summer 25.
Et en cette fin d' année, on revisite les cheminées, les réveillons et les téléfilms de Noël évidemment, tout en prenant des nouvelles de certains de nos héros préférés...
Retour à Maplegrove :
C'est un classique : James, né à Maplegrove, une petite ville perdue dans le Wisconsin, est parti pour la grande pomme pour travailler dans la finance. Généralement, Il invite ses parents à New York pour passer des fêtes de rêve, symbole de son éclatante réussite, mais cette année, sa mère Linda a fait une mauvaise chute sur une congère en allant chercher le courrier dans la boite aux lettres devant leur villa de Pork Avenue. Le fils prodige sera donc prodigue cette année, de retour après dix ans d'absence remarquée.
Remarquée notamment par Kendall, son ancienne copine de lycée, qu'il avait emmenée au bal de promo, mais qu'il avait ramenée sur le pas de sa porte , avant de lui donner un chaste baiser sur la joue, la laissant médusée au retour du bal des sirènes.
Le lendemain, il quittait la ville sans explication pour les vacances, avant de déménager à New York, sans aucune explication. La jeune fille, inconsolable, avait alors jeté toute son énergie dans l'entreprise locale, une fabrique artisanale de cheddar.
Malheureusement, un promoteur véreux veut mettre la main sur cette fabrique, et la raser pour forer le sol à la recherche de gaz de schiste.
À l'occasion de Noël, Kendall organise une vente aux enchères de cheddar afin de lever des fonds pour sauver la fabrique (il manque encore 60 millions de dollars, vu le prix du cheddar au kilo, ça tient du miracle de Noël).
- J'en prends dix kilos, si la vendeuse me fait aussi la bise! s'exclame James.
- James? C'est toi? Tu es de retour?
- Oui enfin non... juste pour les fêtes... Maman...
- Oui j'ai vu les vidéos sur les réseaux sociaux. Plus d'un million de vues de sa gamelle! Si je pouvais en dire autant pour mon appel à sauver la fabrique!
- Oui j'ai entendu que des promoteurs véreux veulent mettre la main sur la fabrique, et la raser pour forer le sol...Bref, tu es en sale posture, Kendall!
- Oui, mais je vais trouver une solution, ne t'inquiète pas pour moi.
Burt, ancien quaterback et ami proche de Kendall, intervient :
- Salut James, tu n'as pas changé, toujours aussi freluquet! Kendall, voici les documents que tu attendais!
- Ça alors, pourquoi je suis surprise... (à James) Reste dans ton monde de requins de la finances et laisse nous tranquilles! Rentres à NYC, c'est que tu as de mieux à faire!
- Euh, mais j'ai rien dit...
- C'est ça, joue l'arrogance alliée au mensonge!
- Hein? Mais de quoi tu parles?
- Ta boite de finances, là, Golden Mountain Corporation, détient une part majoritaire dans la société Sharkinvest qui veut raser la fabrique! C'est marqué là, sur ce document authentifié par Maître Ken Hobbie, notaire à Moses Leight (1). Et je suis censée penser que c'est un hasard?
- Mais je te jure...
- Ne jure pas James! Tu m'as juré le soir du bal de prom que tu m'aimerais toute ta vie, et le lendemain tu es parti pour la grande pomme, et moi je suis la bonne poire!
- J'en sais assez! Je ne veux plus jamais te voir, James ! Tu n'es qu'un maudit requin de la finance obsédé par l'argent et qui a oublié toutes les valeurs de partage de Noël! Je te déteste!
- Dégage, freluquet, on veut pas de toi ici! renchérit Burt. Retourne dans ta ville qui ne dort jamais!
Kendall éclate en sanglots de rage et tourne les talons de désespoir.
- Kendall, attends! Tu ne sais pas tout! Ce n'est pas ce que tu crois...
James est prêt à quitter la soirée de charité, quand tout à coup, il voit le Père Noël (en réalité Mr Robinson, ancien principal du collège à la retraite), en train de vider discrètement sa flasque de whisky derrière le sapin.
- Monsieur Rob... enfin je veux dire Santa, puis-je vous demander un énorme service?
- Ça dépend mon petit garçon, de quoi s'agit-il?
Et quelques minutes plus tard sur la chaîne locale GPTAQBC71KK, la présentatrice s'émeut :
- C'est incroyable, le cours du cheddar s'est envolé depuis qu'une vidéo virale du Père Noël twerkant en mangeant du fromage a fait des millions de vues en quelques minutes sur Tik Tok.
La ville de Maplegrove est devenue mondialement connue et la fabrique de cheddar a été classée au patrimoine matériel de l'Unesco!
Les hourra! et les yepee! fusent dans la salle des fêtes. Santa est porté comme un héros, au point d'en perdre la barbe, ce qui fait hurler les bambins désillusionnés présents dans l'assistance.
- Mr Rob...enfin je veux dire Santa, vous avez réussi un miracle!
- Oh, ma petite Kendall, je n'y suis pas pour grand chose, c'est James qui a eu cette idée.
- James?!
- Oui James, il a filmé et posté la vidéo en me promettant une retraite dorée comme une étoile en haut d'un sapin.
- Mais... je ne comprends pas...et moi qui croyais...
- Il ne faut pas croire tout ce qu'on dit ma petite...et entre nous, je ne suis pas le vrai Père Noël, mais chut!
- James est notre sauveur? Si j'avais su...Mais où est-il?
- Il est devant la salle des fêtes, il attend son taxi pour l'aéroport. Il peut toujours attendre, je l'ai décommandé aussitôt ! confia alors Mr Robinson en lui faisant un clin d'oeil.
Kendall se rue alors à l'extérieur et trouve James assis sur le perron.
- James...Je... Je suis sincèrement désolée pour ce que je t'ai dit tout à l'heure. Je n'en pensais pas un moindre mot.
- Si, mais ce n'est pas grave Kendall. Je regardais cette ville où je suis né, où j'ai grandi, et je me disais que je n'ai jamais été aussi heureux qu'ici. À New York, j'ai perdu le James que j'étais. Mais aujourd'hui, tout a changé. Grâce à toi. Tu m'as fait ouvrir les yeux sur ce qu'est le bonheur de partager. Je ne sais pas comment je pourrai te remercier...
- En me disant la vérité. Pourquoi est-tu parti sans un mot?
- C'est toi qui dit ça? Après la lettre de rupture que tu m'as écrite et que Burt m'a remise le lendemain du bal?
- Mais... quelle lettre? Je n'ai jamais...Oh, mais attends, c'est sûrement...
- Oui c'est moi qui l'ai écrite, interrompt Burt en surgissant sur le perron. J'ai contrefait ton écriture et utilisé ton parfum, car j'étais jaloux de votre relation...
- Mais enfin Burt! Tu étais mon ami, presque un frère pour moi! En réalité tu étais jaloux? Tu avais craqué sur James, c'est ça?
- Mais pas du tout!
- Mais enfin, Burt, tu es gay!
- Mais euh...pas du tout!
- Mais quand tu m'as accompagnée au concert de Taylor Swift?
- Bah pour te faire plaisir...
- Tu collectionnes les calendriers de pompiers et ceux de rugbymen!
- Bah par amour du sport et par charité chrétienne...
- Mais on a dormi ensemble... et il ne s'est rien passé!
- Bah enfin Kendall, tu l'as dit toi-même : Je suis comme un frère pour toi. Et de toute façon tu n'es pas du tout mon genre de femme. Je les aimes plus âgées, plus expérimentées, plus...
- Oui bon ça va, on a compris Burt! interrompt James. Mais alors pourquoi tu as tenté de nous séparer?
- Vous séparer? C'est la meilleure! Depuis qu'on est gamins, on est comme les trois doigts de la main. Et du jour au lendemain, parce que vos hormones travaillent, vous voulez vous mettre ensemble et me laisser sur le carrelage? Je vous ai rendu service; De toute façon, tôt au tard James, tu serais parti à la ville euh...où tous les chats chantent Memory!
- Hein?
- J'ai plus d'idées pour dire autrement New York...
Ils éclatent de rire, comme les enfants qu'ils sont restés.
La soirée se finit dans la joie et l'allégresse autour d'un punch sans alcool, à base de limonade et de sirop d'érable (seven up & maplesirup).
- À la tienne Kendall, ravi que nous ayons sauvé la fabrique de cheddar.
- Mais alors James, tu ne m'as pas laissée tomber comme une vielle chaussette de Noël?
- Et toi Kendall, tu n'as jamais écrit cette lettre de rupture?
- Si on reprenait là où on en est resté toi et moi?
- Mais... et Burt?
- Burt sera toujours Burt, il sera témoin à notre mariage, il sera le parrain de notre premier enfant. D'ailleurs, regarde, il drague Mamie Noël, je veux dire : Mrs Robinson!
Ils éclatent de rire, et s'embrassent tendrement. La caméra fait zoom arrière, et tandis que les sons de liesse s'éloignent, on voit la neige tomber sur les fenêtres de la salle, un écureuil dévore un morceau de cheddar sur le perron et s'inscrivent alors en lettes scintillantes dans le ciel : THE END...
***
Retour chez Santa Claus :
Linda et Derek forment un couple modèle depuis cinq ans. Un mariage en grandes pompes, un voyage de noces à Hawaï, et deux charmants bambins, un garçon et une fille.
Un chien, un chat, une nounou, une villa avec piscine, double garage, une familiale et une voiture de sport. Ils ont tout et ne rêvent plus de rien. Du coup plus de désir non plus.
Les enfants sont couchés. La nounou est partie. Ils se mis au lit de bonne heure avec un cheese and wine, les yeux rivés sur leurs écrans respectifs.
- Tu regardes quoi ma chérie?
- Un téléfilm de Noël: "Retour à Monkeycrest ". C'est nul.
- Ça raconte quoi?
- Un gars qui est parti à Washington et qui revient dans sa ville natale pour sauver un refuge pour animaux d'un promoteur qui veut construire un hôtel cinq étoiles. Il retrouve son amour de jeunesse qui est vétérinaire.
- Il est gay?
- Non, c'est une vétérinaire. Et toi? Tu regardes quoi?
- Un porno de Noël : " Uber Heat". C'est nul.
- Ça raconte quoi?
- Un livreur qui a chaque fois qu'il fait une course, tombe sur des clientes en chaleur. Des clients aussi. Parfois les deux. Ça finit en touze chez le Père Noël qui a commandé des pizzas pour tous ses lutins et toutes ses elfes.
- Il est bi?
- Non, il est fauché et attend ses étrennes.
- Tu veux une gâterie?
- Non, je suis rincé, je vais dormir. Tu veux encore un peu de cheddar?
- Non, je vais pas tarder à éteindre. Je suis claquée. Joyeux Noël, mon chéri.
- Joyeux Noël ma chérie.
Le lendemain, lorsque la nounou est arrivée pour prendre son service, elle n'a trouvé ni enfants, ni parents. Juste une note :
Chère Mary Beth, ne vous inquiétez pas nous allons bien. Nous avons déposé les enfants chez leurs grands-parents, et sommes partis faire des triplés en Laponie. Nous devenions des vieux cons avant l'heure. C'est ça aussi, la magie de Noël : Partir sur un coup de tête, briser la glace, courir avec la langue ouverte pour attraper les flocons de neige, retrouver l'enfant qui est en chacun de nous. On ne sait pas quand on revient, on a pas planifié, pour une fois...
Quand à vous, profitez de la maison tant que vous voulez, ne videz quand même pas tout le bar, mais sentez vous libre d'inviter des parents ou des amis. Pas de voiture de sport, merci, surtout si vous buvez. Joyeux Noël, il reste du cheddar dans le frigo.
Linda et Derek.
***
Retour à Singles :
Il y a des miracles auxquels on ne s'attend pas, et d'autres qu'on aurait jamais dû attendre.
Nos mousquetaires du célibat, dont nous suivons les aventures depuis un moment, on réussit l'impensable : Se réunir tous ensemble le temps d'un réveillon. Les étoiles se sont enfin alignées pour eux.
Nous avions laissé Romain et Roberto au bord de la dépression suite au départ de Richard de la colocation. Le jeune Rémi, dernier arrivé dans le groupe, filait le parfait amour avec sa jeune épouse. Quant à Jean-Stéphane il vivait toujours en ermite dans ses montagnes.
Ce dernier a eu une idée de génie : Reconnecter avec ses amis perdus de vue depuis des vacances catastrophiques.
Et contre toute attente, tout le monde a répondu. Noël est une période de partage, voire de charité (on peut rêver).
Richard s'est fait larguer (il était en couple libre mais sa copine n'était pas au courant), Romain et Roberto avaient prévu un weekend à la Montagne du Dos Cassé.
Ils ont donc débarqué chez Jean-Stéphane qui vit, à un boeuf, un âne, un agneau, un bébé et deux parents près, dans une crèche vivante. Les chèvres sont revenues, poussées par la faim.
L'avantage, c'est que ça ne manque ni de sapins, ni de boules. Jean-Stéphane, comme à son habitude, a tout planifié.
- 18h apéro. 19h décoration du sapin. 20h Raclette géante. 22h cadeaux. 24h messe au village. 2h extinction des feux.
Les mousquetaires, n'étant pas surpris, ont décidé de le surprendre :
- Et si on appelait Rémi, il est à Clermont chez ses beaux parents? propose Roberto.
- Excellente idée! approuvent Romain et Richard.
- C'est qui ce Rémi? Je n'ai pas prévu assez de fromage, moi!
- Allô, Rémi? Tu fais quoi? On est pas très loin!
- Je suis chez mes beaux parents, ma chérie est au lit avec une grippe carabinée, qu'elle a refilé à ses parents. Moi ça va...mais je me fais chier devant les téléfilms de Noël.
- Ah mais s'il est contagieux il ne vient pas! s'exclame Jean-Stéphane.
- Si il vient pas nous on repart!
Rémi arrive aussi vite qu'une étoile filante. Jean- Stéphane, qui voulait lui imposer le port du masque, a fini part se détendre (ils ont eu la main lourde sur l'apéro).
Lorsqu'on entame la décoration du sapin, il est directif mais bourré :
- Rémi, le petit nouveau, tu prends le bas. Et les plus petites boules. La paire Richard et Romain vous disposez vos boules moyennes. Roberto, les plus grosses boules et ta longue guirlande. Et moi je poserai l'étoile sur le bout. Vous voyez que moi aussi, je peux avoir un humour beauf quand je veux...
Les potes se donnent à fond pour décorer le sapin des pieds à la tête. Jean- Stéphane grimpe sur un tabouret pour placer l'étoile au sommet, et celle-ci joue les météorites en s'écrasant sur le sol, accompagnée de Jean-Stéphane naturellement. Et l'étoile a fini droit dans son oeil gauche.
- Aaaaah, mon oeil! Aaaah j'ai mal, je crois que c'est l'épaule qui a pris!
Les quatre mousquetaires ont fini le réveillon ensemble. Ils ont passé le meilleur Noël de leur vie, à rigoler en se remémorant leurs divers exploits. Roberto a évidemment fini à poil, décoré comme un sapin. Richard a pleuré de joie. Romain a fait des bisous à tout le monde à minuit. Et Rémi a appelé sa femme et lui a fait une déclaration d'amour enflammée, voire flambée car sérieusement teintée d'alcool.
Quand à Jean-Stéphane, il a eu droit à un tour en hélicoptère, il a survolé ses chèvres en brancard, et a fini le bras en écharpe et un pansement sur l'oeil. Mais comme tout est miracle à Noël, l'infirmière lui a fait (de) l'oeil et lui apporté toute la tendresse dont il a manqué pendant toutes ces années, et il a passé minuit des étoiles plein les yeux. Enfin, l'oeil...
(1) La blague de niche pour les fans de Star Wars (étoiles oblige).
