Jean Paul Goude: l'homme qui inventa photoshop.
Après Karl Lagerfeld et River Phoenix, voici mon portrait pas chinois de Jean Paul Goude.
NB: Les Portraits pas chinois expriment une vision subjective des artistes ou personnages dépeints. Ils n'ont aucune valeur biographique, ils sont l'interprétation personnelle de ceux-ci, à la manière d'un dessin griffonné sur le papier.
A vrai dire, c'est un comble.
Pour ce portrait je n'ai même pas essayé de croquer Jean Paul Goude, lui qui m'a pour ainsi dire appris à dessiner.
Il faut que je vous dise: même avant de connaître son nom, je vénérais déjà sans le savoir ce monsieur.
Flashback...
Je vous salue, Jean-Paul, plein de grâce:
Un ado, étudiant la danse quotidiennement, et le théâtre les mercredis, samedis et dimanches, un peu en marge à l'école donc, écoutait la musique de Grace Jones, gribouillait, faisait des photos aux qualités techniques et artistiques discutables, et réalisait des collages en guise d'intercalaires dans ses classeurs.
Grace Jones, bien sûr, mais aussi les petites filles Kodak, Mia Frye dans la pub Lee Cooper, les cartes postales "Perrier, c'est fou!".
Découvrant tardivement que le pygmalion de la black beauty, était aussi réalisateur de mes pubs préférées, j'ai commencé à acheter tout ce qui le concernait, même des magazines un peu "olé olé"(comme Photo) pour le jeune homme que j'étais, et disant presque aux libraires:
- Ce n'est pas pour les femmes à poils, c'est pour Goude.
Je me suis donc passionné pour ce créatif ou devrais-je dire créateur, qui mélangeait comme je voulais tout ce que j'aimais.
Je lisais tout sur lui, et j'archivais tout.
Je continuai donc à vouer un culte au Pape Jean Paul mais aussi à sa déesse noire: le jour de mes quinze ans, j'ai infligé à tous mes invités la K7 de Slave to the Rhythm, album concept constitué de remix du célèbre tube entrecoupés d'interviews.
Et pour lequel j'ai usé le tapis plein de ma chambre, à coup de chorégraphies, d'aérobic et de relaxation/méditation.
Flashplayback:
Liberté, égalité, défilé:
Mais bizarrement mes camarades n'ont pas perçu toutes les dimensions de l'oeuvre.
Ma boum n'a pas pris, mais j'étais ravi.
Et le jour de l'anniversaire de ma mère, le 14 juillet 1989, j'ai tanné toute ma famille pour mater "La Marseillaise" , défilé anniversaire du bicentenaire de la révolution française que je devais de plus enregistrer dans son intégralité. Bien sûr.
Rappel: nous sommes en pleine Perestroïka, le mur de Berlin tient encore pour quelques mois, et sous une neige artificielle défilent les russes.
Au son des bicyclettes défilent les chinois.
Performance.
J'ai donc défilé moi même de longues heures dans mon salon, jusqu'au moment où Jessye Norman entonna l'hymne national français, faisant dresser le peu de poils que j'avais à l'époque sur les bras.
Puberté tardive?
Oui, je suis resté petit longtemps, autre point commun avec Monsieur Goude, qui avec sa "french correction" me parlait de palladiums à talonettes, d'épaulettes et de trompe l'oeil.
Oui car pour lui "Size does matter".
Il confronte en permanence le grand et le petit, le grandiose et le souci du détail, le monstrueux et le sexy.
Mitterrand (Dieu pour les intimes) dit en découvrant les croquis du défilé: s'il en reste dix pour cent, ce sera déjà formidable (je cite de mémoire, c'était quand même il y a plus de vingt ans).
L'homme qui inventa photoshop:
Mais pour tout agrandir, déformer, rapetisser, JPG (pas Gaultier, l'autre) ne dispose pas d'ordinateur.
Et comme De Vinci dessinait des engins volants, The Goude a imaginé un correcteur.
Il sera donc photoshop à lui tout seul, avant la lettre, pionnier, précurseur, prophète.
N'ayons pas peur d'user de superlatifs, quand ce type donne (tout) dans la démesure, dans le sens de la longueur, de la largeur, et surtout de la hauteur.
Un grand illusionniste.
Comme tous les esprits élevés, il sait jouer de la dérision.
Amenant l'humour dans la mode, dans la pub, Goude est partout et où on ne l'attendait pas encore.
Entre temps, Grace a mis les voiles (et d'autres tenues), il a mis Vanessa en cage, et les égoïstes en quarantaine.
Entre mille autres choses.
Esthétique et ludique, pluri disciplinaire et multi culturel, graphique et rythmique, le "Monde selon Goude" a tout pour me plaire, hier, aujourd'hui et demain.
Goude is good, Goude is God.
Goude save the King.
NB: l'expo "Goudemalion" à voir absolument au Musée des Arts Décoratifs à Paris, jusqu'au 18 mars.
Grace Jones/Slave To The Rhythm. Island records.