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2018-08-23

Fictions Pulpleuses: La Plage des Damnés.




Magazine féminin jauni par la jalousie d'être délaissé...
(Damned, collage perso années 90)


Quelque part entre les romans à l'eau de gare et les Editions Baldaquin, Fictions Pulpeuses revient sur ces tranches de vie souvent très mal écrites, et où vous vous êtes parfois fait un film.
Et aujourd'hui, si pour beaucoup les vacances se résument déjà à du sable dans la machine à laver, il encore temps de revenir sur vos pas, pour y revivre avec effroi cet été torride mais où l'eau était glacée, sur cette plage où vous vous êtes carrément tapé l'affiche...


Marie A. ,  jeune et jolie mère fraîchement divorcée, avait donc réussi à confier son trésor pour une petite semaine à son père qui n'avait plus de biologique que le nom,  depuis qu'il était parti en Poitou Charentes où il avait trouvé l'amour dans le pré d'une productrice de fromage de chèvre bio justement, de trente ans son aînée (voir date de péremption au dos de l'emballage).

Si dans un premier temps à cette annonce faite à Marie par son mari,  celle-ci s'était retrouvée au tapis AM PM (Nyborg, tapis style berbère 120x180 cm, 249 €), c'est à dire littéralement du soir au matin, elle avait rapidement cessé de prier pour son retour, et repris très vite du poil de la bête, tout en allant se faire épiler pour l'été.

N'ayant gardé de stigmates de sa grossesse qu'une micro cicatrice sur l'aine, elle avait commencé des cours de boxe thaï, qui lui avait redonné toute sa confiance et sa détermination à ne pas se laisser abattre par son ex -Flamby et sa Mamie Nova.

C'est donc avec l'assurance d'une amazone à la virginité retrouvée qu'elle avait débarqué sur cette plage dorée au sable fin, petite crique paradisiaque où elle allait pourtant vivre l'enfer...

C'est l'endroit que les âmes bien-pensantes appellent la Plage des Damnés.
Sur la plage mixte se croisent donc naturellement hétéros textiles et homos désapés, en toute décontraction, entre adultes consentants à ne regarder que le littoral. Une vie à l'horizontale, mais pas du tout déprimante pour Marie qui a troqué son tapis mouillé de larmes contre un drap de plage infusé au monoï. Mais si les premiers jours, elle adore regarder pousser ses orteils en lisant des magazines bêtes comme ses pieds, au bout d'un moment, la tentation de mater ses compagnons de naufrage devient de plus en plus forte.

D'un côté donc, des gays bien dans leur peau mais qui entre la saucisse grillée et les oeufs trop cuits sont aussi appétissants qu'un english breakfast en plein cagnard.
De l'autre, des machos négligés , trop sûrs de leur séduction pour au moins rentrer leur bide après leur cinquième panaché force 4.
Et soudain, émergeant des eaux tel un Daniel Craig en mission, dans son maillot plaqué par l'eau salée ( 19,99 € chez Casino Royale), un überadonis, beau comme Derek dans Grey's Anatomy, et dont la plastique justement n'a souffert d'aucune chirurgie, ni d'aucune injection de stéroïdes entre les séances au Club Med Gym.  Une beauté naturelle, et un physique de taureau à faire s'évanouir toutes les maraîchines (race bovine vendéenne) de Poitou Charente.

Bref une scène tellement cliché que même les magazines féminins n'oseraient en décrire dans leurs articles de fond du supplément été.
Marie ravale discrètement l'écume qui perle au coin de sa bouche, tandis que l'inconnu essore ses cheveux d'un coup de patte, façon ours mal séché.
Elle est hypnotisée par cette beauté rassurante, mais que paradoxalement, on a envie de cajoler.
James (appelons-le James) rejoint en trottant façon "maître nageur sauveteur pompier volontaire plombier agent secret athlète de haut niveau barman danseur de tango" sa serviette immaculée, tandis que Marie laisse s'envoler son magazine déjà jauni par la jalousie d'être ainsi délaissé.
Elle note au passage qu'il n'est pas seul, puisqu'une autre serviette blanche de l'hôtel voisin est disposée juste à côté.
Mais pas de panier en vue, pas de Biba, juste un short en jeans et un t-shirt blanc lui aussi.
Il est sûrement là avec un copain. Si ce n'est toi, ce sera donc ton frère.

N'écoutant que son courage, la jeune mère se lève d'un bond devant James qui s'essuie vigoureusement les cuisses, elle réajuste son deux pièces et file à marée montante vers le large, dopée à l'iode et fonce dans l'eau (qui avait l'air plus chaude de loin). Elle tente un plongeon façon sirène du surf dans le creux d'une vague, mais sa natation mal synchronisée fait qu'elle se prend la lame dans les dents, boit la tasse et fait un plat sur le fond marin un peu trop proche. Elle ne se démonte pas pour autant la mère Marie, et feignant la figure imposée, passe les jambes de côté telle une Ariel de Copenhagen,  et secoue à son tour sa chevelure auburn, avec un malheureux effet setter irlandais.
Elle fixe alors sa cible, et en effet non seulement James est fixé sur elle, mais l'ensemble de la plage entière, toutes sexualités confondues en excuses devant sa piètre performance.

Mais comme si la honte ne suffisait pas, mal cachée derrière son sourire embarrassé,  Marie va à présent mordre le sable. Elle se sent littéralement tirée au large par les pieds, n'a pas le temps de réagir et se retrouve sous l'eau, buvant la tasse d'eau salée, comme si elle faisait du ski nautique inversé, tout son corps glissant sur les flots mais pas du bon côté. Le cétacé finit par lâcher sa proie et Marie refait surface, les dents pleines de mer. Devant elle se dresse à présent l'autre bête, brune, sculpturale, sportive et toutes griffes dehors, une sorte de tigresse sublime et manifestement amphibie.

- Tu crois que je n'ai pas capté ton petit manège avec mon mec, espèce de pouliche mal dressée?

La fumée jaillit de tous ses pores bronzés, tandis qu'elle est toujours prête à bondir sur sa proie. le temps s'est arrêté. Le ciel est devenu noir en un instant. Marie voudrait avoir le don d'assomption, elle voudrait pouvoir s'évaporer dans l'air. Mais elle reste figée par la peur, et par les rires sardoniques qui émanent à présent de la plage, les témoins innocents se sont transformés en juges partiaux et en diablotins à queue fourchue. Elle est là, médusée, attendant le jugement dernier, ou le premier coup de poing. Mais soudain elle se rebiffe, et en se donnant  une claque sur le visage pour se sortir elle-même de sa torpeur, se souvient qu'elle a payé très cher ses séances de boxe, se relève et se met en position de garde comme pour dire: Bring it, ma biche!

-  Je fais de la boxe thaï, j'te préviens! dit-elle du haut de ses dix ans soudain retrouvés.
- Sérieux?  dit la tigresse tout à coup radoucie. Depuis combien de temps? Moi j'ai repris, je m'étais pété l'avant bras, ajoute sa fraichement meilleure copine en lui montrant les cicatrices d'une réduction de fracture.
- T'ain! t'as du avoir hyper mal.
- Oui, surtout que l'anesthésie locale n'a pas bien fonctionné.
- L'enfer...

Entretemps, James est accouru en slow motion à son secours, au au secours de sa copine, ça reste à déterminer.

- Un problème, les filles?

Sa voix est -comment dire- celle d'un petit chanteur des choristes au cheveu sur la langue, aussi décevante qu'un film de 007 qui serait doublé à l'hélium.

- Aucun problème, dit Marie qui soudain atterrit et dont les idées sont à nouveau claires comme de l'eau de roche. Je faisais juste un plongeon pour me rafraichir les idées. Je dois appeler mon fils, vous m'excusez?
- On se voit tout à l'heure?  dit la panthère à la voix de velours, on continuera à papoter. Et la féline de la gratifier d'un clin d'oeil inattendu.

Le retour sur la plage est triomphal. Elle a gagné le respect des machos men, des manchots moches, et surtout des méchantes à mèches (jolies filles et vilains garçons).

Marie ne rencontrera pas l'amour au paradis, mais ses vacances se sont finies de manière  quasi idyllique:
Elle n'a pas rencontré l'amour certes, mais s'est fait un barman et une super copine/ sparring panther de boxe.
Lili la tigresse lui avouera même s'être tapé le même barman de l'hôtel l'année d'avant, vu que James, alias Rudy, sur papier glacé c'est l'idéal, mais sous les draps, il pratique surtout l'art du silencieux.

Marie a renouvelé son abonnement à la salle de sport, résillé celui au magasine féminin idiot, et après avec joie en rentrant que son ex s'était fait larguer pour un mec encore plus jeune.
Même les damnés ont le droit de croire aux miracles...

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