Je n'ai que très peu de dons.
Mais s'il y a une chose que je sais faire c'est lire l'avenir dans le café.
Car, croyez-le ou non, je peux dire en regardant dans mon expresso du matin si la journée sera bonne.
Ou bonne à rien...
Ce matin, en l'occurrence je voyais tellement trouble que j'ai très vite compris que rien de bon ne ressortirait des 24 heures à venir.
Ni des 23 autres tasses que j'allais m'enfiler.
Car à vrai dire, on surestime le pouvoir de la caféine.
Le café ne vous réveille pas.
Il réveille votre "flavour du jour".
Il libère votre arôme, pas le sien.
Et si aujourd'hui c'est: " tu peux danser sur ta tête ou chanter sur tes pieds, tu ne quitteras pas ton humeur de vieille pantoufle/chaussette de quand tu avais six ans", c'est foutu.
Le Dr Arabica et son assistante la grosse Robusta ne peuvent rien pour toi.
Il y a , à l'inverse, des jours où rien qu'en humant l'odeur de la tasse, on se sent prêt à conquérir le monde pour n'en ramener que le meilleur café pour Jacques Vabre.
Donc, si je réfléchis avec le peu de neurones éveillés à ma disposition, le café serait donc d'avantage un exhausteur d'humeur qu'un excitant?
Et la journée qui a suivi n'a fait que m'apporter du grain à moudre pour étayer ma théorie:
La pluie est tombée avec la constance d'un percolateur.
Un reportage à la télé sur "la folie des infusions" a bien failli m'endormir à nouveau.
Je suis sorti de chez moi juste assez de temps pour constater que les passants ressemblaient à des sachets de thé trempés.
Bref, même si le soleil avait brillé toute la journée, j'aurais réussi à dénicher LA goutte d'eau qui aurait fait déborder mon état vaseux.
En plein désert, j'aurais réussi à boire la tasse.
J'ai donc décidé de ne pas broyer du noir, de laisser passer, de laisser pisser, et de me livrer à la seule activité possible dans ces cas là:
Trier, ranger, jeter.
Or, il se trouve qu'il est idéal de faire ça les jours où on est de mauvais poil.
On jette plus.
Surtout quand comme moi, on garde même les emballages des petits chocolats, "au cas où" ça pourrait faire un chouette collage.
Parfois je me dis que j'ai un grain.
Bref, ça permet d'écrémer.
Les objets mais aussi les personnes.
On retombe sur une vieille photo d'un ami qui n'a plus donné signe de vie depuis que vous non plus.
Réflexion faite, à l'époque Georges Clooney rendait son tablier blanc et enfilait un masque et une combinaison moulante noire pour mener une double vie.
Quand à Arnold, en Mister Freeze, il terrorisait Gotham City.
C'est amusant aussi de lire le passé.
Bref,on cherche les raisons de ce silence radio pour se dire qu'aucune n'est valable, si ce n'est que nos vies ont pris des directions différentes.
Moi j'emprunte la route de la soie, l'autre celle de la poubelle.
Et je dis ça sans amertume.
Et puis il y a cette photo de plage qui nous rappelle que c'est bien parce qu'on s'est fait torréfier la peau à 20 ans qu'on a des rides à 30... et des poussières.
Sur ce, on passe un coup d'aspirateur, on aère le tout et vers 17h, pris d'un léger coup de mou, on se dit qu'on se prendrait bien un bon petit café.
Et celui là on le savoure, parce qu'on réalise qu'on a réussi, contre toute attente, à transformer une journée pleine de merde en tout l'or de Maison du Café.
En conclusion: j'arrête de jouer les devins, je commence l'alchimie, je continue le café, et je recommence les crèmes...
