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2011-12-10

Us et Coutumes: Réflexologie, huiles essentielles, et réflexions existentielles.


Maintenant, détendez vous!


Il y a sûrement des personnes comme moi parmi vous.
Le genre de personnes qui quand ils reçoivent un fabuleux massage pour leur anniversaire, ont une fâcheuse tendance à attendre la dernière minute (avant la date de péremption du bon) pour en profiter.
Comme si ça rajoutait au plaisir?
Comme si même un cadeau se méritait?

Bref, une fois passé ces scrupules et considérations stupides, je me suis donc rendu, grâce à mon amie "from down under" dans un très chic et très raffiné salon de massage de la rive gauche, pour un très prometteur massage "thaï orchid".
Tout en espérant qu'on ne m'aspergerait pas de flotte au brumisateur pendant toute la séance, c'est à dire une heure trente...


Au programme donc : réflexologie, huiles essentielles, et réflexions existentielles.
Bien sûr, n'étant pas abonné aux soins de manière générale, si ce n'est un fond de crème Caudalie (encore un don d'un ami qui me veut du bien), je demande qu'on m'explique TOUT.
Pour mieux en profiter et surtout comprendre ce qu'on attend de moi.
Je me mets donc la pression d'emblée, ce qui est une excellente idée dans un espace détente.
Autre gros sujet de préoccupation, je ne tiens absolument pas à passer un pour un pervers qui cherche à se faire du bien par tous les moyens.
Horreur, malheur.
Donc je parle beaucoup.
Trop.
Bref je me déchausse, enfile les claquettes en bambou, et me dirige vers le vestiaire en racontant déjà la moitié de ma vie.
Je n'arrive évidemment pas à enfiler la tenue traditionnelle des prisons thaï, et après avoir demandé conseil, je me dis que j'ai de la chance si on ne m'accuse pas d'être un trafiquant de drogue comme dans les films, et qu'on m'emmène dans une geôle sombre et humide ou même les orchidées ont du mal à ne pas déprimer.

Au lieu de ça, on me fait entrer dans un salon raffiné où, au fond d'un club qui bascule comme dans les pubs de vieux à la télé, "ma" masseuse me lave les pieds, puis les masse, puis enfonce un truc en bois qui réveille l'ensemble de mes terminaisons nerveuses, si j'en ai aussi dans le foie.

Très agréable, je dois avouer, ce qui me laisse le temps de faire la seule chose dont j'aie à me préoccuper: me détendre et méditer.
Mais bon, quand vous essayez de faire le vide, la moindre chose prend des proportions énormes.
Logique.
Comme cette ventilation qui se met en marche.
Comme les bruits de mon estomac un peu trop vide.
Ou le fait que manifestement, je suis seul à prendre rendez vous pour un massage le lundi à 15h.
Passionnant.
Et quand je dis à la jeune femme qu'il se peut que je m'endorme, elle me répond par un très explicite:
Pas maintenant.
Ah, ok.
Et là elle enfonce son bout de bois dans un point de ma voûte plantaire, tellement enfoui que même mes pieds en ignoraient l'existence.
Ouch.
Inutile de me détendre outre mesure, donc, semble-t-il.

Vient alors le moment de rejoindre le salon de massage à proprement parler, et d'enfiler bien sûr, la tenue traditionnelle et jetable, qui ressemble furieusement à un masque opératoire (il y a un devant et un derrière?) et qui vous rend aussi sexy qu'un steak haché dans son emballage fraîcheur.

Tête vers la table, avec son orifice et son bassin à bave, vous avez reçu (enfin) l'autorisation de vous endormir.
Le massage prodigué par les mains expertes commence effectivement à produire des effets de tisane.
Vos paupières sont lourdes, vous n'entendez plus que le son de ce CD new age, genre : "Dojo et Dragons".
Le problème c'est que certains airs vous sont familiers, donc ça tourne vite au blind test catégorie "musiques de films réorchestrées avec mon premier synhé de Fisher Price".
J'imagine alors Didier Smoutebollen (littéralement Beignets)  aka DJ Dim Sum (son nom d'artiste) dans son studio improvisé au sous sol de son pavillon pas japonais.
Il met la dernière touche à ses arrangements zen et zoo (un gling gling par-ci, un perroquet en rut par-là) , avant d'envoyer le tout à sa maison de disques"Le Lagon Vert Records".

Autre sujet de distraction sonore (pour rappel ma vue est limitée): l'écoulement d'eau dans la tuyauterie, et je ne dois pas vous expliquer plus longuement à quel point il ne faut absolument penser "liquide" à ce moment là, surtout pas à la tasse de thé jasmin que vous avez ingurgitée durant la première phase.
Retour au CD et à ses bruits de cascades qui ruissellent.
Arghn.

Heureusement, vient le moment de changer de côté, sauf qu'elle vous enroule la tête dans une serviette, et que vous êtes encore privé d'un de vos sens.
Mais bon, le travail des doigts de fées agissant, c'est dans le plus grand calme que vous rendez les armes et finissez par vous assoupir.
Deux secondes.
Le réveil est aussi dur qu'immédiat, au moment où elle vous étire les orteils pour les faire craquer.
Là vous vous dites: c'est sûr je ne dormirais plus, autant penser à moi dans cet univers de terminaisons nerveuses et de points cardinaux de l'acupuncture.
Vous aussi, vous faites le point.
Quelques minutes suffisent amplement pour vous pencher sur votre vie, retrouver vos repères et dessiner les directions et décisions à prendre dès votre sortie.

Vient alors le massage du crâne (divin), et celui les épaules, qui nécessite le premier effort musculaire depuis une heure pour vous redresser.
Et tandis que vous craignez tout à l'heure les bruits saugrenus de votre estomac, ou pire encore dans la détente, c'est elle qui dans votre dos, s'acquitte d'un charmant rototo.
Elle s'excuse aussitôt.
Là aucun son ne peut sortir de votre bouche, au risque de tout foutre en l'air dans un fou-rire gênant et gêné.
Ne penser à RIEN, surtout pas à ce qui vient de se produire.
Et là miracle, il a fallu un rot pour que vous fassiez (enfin) le vide total.

La séance s'achève, et comment vous dire, vous êtes un peu pressé quand même de sortir, parce que cette expérience vous a laissé non seulement dans un état de décontraction totale, mais vous a donné l'envie pressante.. de faire une bonne sieste.

Sauf que c'est un truc que je ne sais pas faire.
Un peu comme prendre soin de moi.

Les vrais effets se sont fait sentir les jours suivants, où, je dois le dire, je me suis déplacé avec la souplesse d'un bébé bambou et la légèreté d'un ara guilleret.
Avant que la vie ne reprenne ses droits, bien entendu, mais ça, ça fait partie aussi du forfait...