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2020-10-25

Comme un dimanche: 25 Octobre 2020

 


Ceci n'est pas une image d'Épinal.

Cette semaine, j'avais cette image en tête. Pour tout dire je la cherchais dans les méandres de mes disques durs internes et externes. On sait ici que je suis friand de ces illustrations scolaires, mi-images d'Épinal, mi-images Panini que je collectionne sans doute un peu par nostalgie. Mais pas que...

Car si on regarde bien celle-ci notamment, au premier abord c'est un drame qui se joue. Le mot bourrasque en dit long. Et cet homme (appelons le Roger) qui brave les intempéries, seul face aux éléments, semble quitter son adorable village comme tous les jours de la semaine pour affronter les affres de la ville, d'un possible et probable dur labeur, loin des champs, loin des chants. Roger se rend ainsi à la gare la plus proche où la peau rougie par l'effort et le cuir de la serviette trempé par les précipitations, il rejoindra le convoi des navetteurs à destination de l'ennui et des tracas quotidiens.

Bon, ça c'est une première lecture, mais puisqu'en ce dimanche 25 octobre de l'an de grâce 2020, il pleut dehors et que suite au passage à l'heure d'hiver, j'ai soixante minutes gratis, je vais prendre le temps vous livrer une toute autre version des faits :

Nous ne sommes pas en 1960 mais en 2020. Nous ne sommes pas un lundi, mais un dimanche,  et cet homme ne s'appelle pas Roger mais Romain.  Pourquoi Romain enfourcherait-il son vélo alors que la météo est si décourageante?  Eh bien tout simplement parce que d'une part, toutes les salles de sport sont à nouveau fermées, et que vu que cela fait des mois qu'il est partiellement en télétravail, il a sérieusement tendance à s'empâter aux entournures. Les pneus de son bicycle sont gonflés à bloc, celui de son embonpoint est gonflé à mou. En bon ex hipster  moustachu devenu père de famille responsable, il se doit de ne pas se laisser aller, et il y va  donc, contre vent et crachins. 

Mais où va Romain? On pourrait croire qu'il fuit sa vie familiale pour s'octroyer une heure de liberté, mais ce n'est qu'une partie du tableau. Il pédale comme  un hamster court dans sa roue, sans masque, à perdre haleine mais en respirant normalement, laissant derrière lui toutes ces règles sanitaires qu'on lui impose.

Il pédale certes, mais pas dans le vide, il a un but: il rejoint Robin, son ami de toujours, qui habite à l'orée du bois. Ensemble ils iront battre la forêt comme quand ils avaient douze ans, comme quand ils avaient le temps. 

Impossible, me direz-vous, et pour une raison simple : je semble avoir omis la présence de la serviette à l'avant du vélo. 

Mais pas du tout.  Cette serviette un peu usée renferme le trésor de Romain: sa collection d'albums Panini.  Et toutes ses images en double, et ses quelques triples.  Avec Robin, ils vont s'échanger les doubles comme au bon vieux temps, histoire de peut-être enfin compléter cet album de Coupe du Monde  1998.  Après ils prendront une bonne bière, et Romain reprendra la route en sens inverse pour être rentré, au sec et au chaud , au coin du poil à bois et avant le couvre feu.


Voilà, maintenant vous ne verrez plus cette image de la même façon, vous ne verrez plus un pauvre type qui court après son train, qui court après sa vie, jour après jour, étape après étape, tour après tour, sans vraiment savoir pourquoi.

Vous verrez quelqu'un qui cherche à retrouver des sensations présentes ou passées, sans restrictions ni mesures,  et qui va tenter de chercher dans son enfance le réconfort d'un moment ludique et fraternel. Inutile et irresponsable. Jouissif et vital. 

Jusqu'à preuve du contraire, il est encore possible de choisir sa vie. Il est donc urgent de le faire par tous les moyens possible, avant qu'il soit trop tard.

Parce que si vous n'avez pas encore saisi le petit message que cache cette image, je vais encore vous éclaircir le ciel et vous ouvrir les cils:

Nous sommes en 2032, les villes ont été désertées. La culture est dissoute, à part pour quelques privilégiés et "dans un cadre strictement privé" dit le décret. Musique de chambre et bals masqués. Pour les autres, il y a la télé.  En ce dimanche pluvieux d'Octobre, Roméo a mis sur son vélo vintage la serviette qu'il avait chiné dans une brocante (à l'époque où elles  existaient encore).  À l'intérieur, une bouteille de vin (aujourd'hui prohibée) qu'il compte déguster avec son ami Gabin, sans masque, sans combinaison sanitaire et tenue réglementaire imposée par l'état. Ensemble, ils regarderont peut-être un des films de la série Hunger Games (aujourd'hui sur la liste des films interdits). Ils feront tout ça dans un cabane au fond des bois, où la pluie et les feuillages empêcheront leurs traceurs de fonctionner. Ils seront à la fois au milieu de nulle part, et au centre de leur vie, libres, enfin, pour une heure...


2032, c'est demain, c'est lundi prochain.

Bon dimanche à tous.


Illustration: Yves Thos.

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avant l'article 2000



Mon premier livre, Les Carnets du Flamand Rose,  est disponible online.
Ma Nouvelle Hubert est  également disponible online.





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