Claire Underwood: #myturn...
On ne pouvait pas passer à côté. Non, pas des gilets jaunes.
On parle ici de la fin de House of Cards, la première des séries qui a propulsé Netflix, aujourd'hui aussi incontournable qu'un iceberg en avril 1912.
Et en ce mois de Novembre 18, toujours axé sur l'Avant/Après, il était inévitable qu'on se penche une dernière fois sur les machinations de l'hydre Underwood, privé pour son feu d'artifice final d'une de ses deux têtes...
Previously, on House Of Cards:
Il y a un an, la saison cinq se terminait sur une triste prémonition:
Claire Underwood, maintenant à la tête du bureau ovale, suite à une démission calculée de son époux Francis rattrapé par sa batterie de casseroles, prononçait ces mots glaçants: My turn.
Frank se sacrifiait donc (temporairement on imagine) pour la survie de son binôme maléfique.
Kevin Spacey, qui a littéralement disparu des radars depuis les accusations qui l'ont chassé d'Hollywood (il n'est cependant à ce jour l'objet d'aucune poursuite dans les différents dossiers instruits), effacé du dernier film de Ridley Scott, est devenu pour ainsi dire un véritable fantôme.
Et il ne fallait pas être devin pour comprendre que le spectre de Frank hanterait lui aussi l'ultime saison de House of Cards.
Seule capitaine à la barre suite à une décision rapide de Netflix de virer Spacey, Robin Wright et ses autres partenaires, à commencer par Mike Kelly (Doug Stamper, bras droit et surtout homme de main de Frank) n'ont plus qu'une option: enterrer Frank Underwood, et finir le récit sans l'un de ses protagonistes.
Ghostbusters:
Les critiques ne sont pas bonnes. Et versent parfois dans une facilité presque étonnante:
- sans Frank/Spacey c'est pas pareil, d'ailleurs on ne parle que de lui
- ça aurait pu être bien mais c'est raté
- de toute façon la série s'essoufflait depuis longtemps
- ils ont surfé sur la vague #metoo
- c'est caricatural, on aurait aimé un peu de finesse
Le premier argument n'est pas développable, pour des raisons évidentes (et sus-mentionnées), puisque ce n'était pas un choix mais une contrainte. Un joueur a quitté la table de poker. La nécessité de faire exister Frank par delà la tombe est évidente, puisqu'aucune des intrigues n'avaient trouvé jusqu'ici de résolution.
L'appréciation de chacun est évidemment subjective et donc en soit indiscutable, mais ceux qui ne se sont pas essoufflés en regardant le couple démoniaque faire son jogging nocturne, y trouveront une fin cohérente à la tragédie qui se profilait depuis quelques saisons.
On imaginait pas en effet comment Frank pouvait s'en sortir indemne, comment Claire ne pouvait pas prendre une certaine revanche sur lui, et on ne pouvait évidemment pas imaginer Doug , éternel adjuvant et homme à tout faire le sale boulot, siroter des cocktails - non alcoolisés, il va sans dire- sur une plage de sable fin.
Tragedy:
Non, comme dans Mac Beth, ou Richard III, ou Lucrèce Borgia, il fallait bien que cela se termine tragiquement, et dans le sang. Oui sauf que évidemment, on imaginait pas ça sans Kevin (on y revient toujours). Les événements de la saison 6 sont étaient donc inévitables, mais pas forcément dans cet ordre.
Evidemment, avec Claire au pouvoir, on peut s'attendre à plus de féminité. Mais justement, la série évite le piège du "avec les femmes, tout serait mieux". Des femmes oui, mais pas toutes les femmes.
Car Claire Underwood n'est ni pire ni meilleure qu'un homme. C'est un être humain. C'est un monstre. La série explore donc justement et subtilement les différences et les similitudes entre les deux tyrans. De plus, une approche plus psychanalytique, notamment au travers de flashbacks, nous explique son background affectif et le choix qui en a résulté.
Pour ce qui est de la caricature, elle est inscrite dans la monstruosité des personnages, et fait partie de l'ADN de la série depuis ses débuts.
Rien n'est totalement vraisemblable dans le parcours des Underwood.
Pour rappel, Frank a été élu par défaut, a imposé sa femme comme vice présidente, et celle-ci accède au pouvoir de la même manière que son mari. On a plutôt l'impression d'un conte médiéval ou balte, que d'une success story américaine. Enfin, voyons ce que l'avenir nous réserve, on est jamais à l'abri.
Le face caméra de Frank, puis de Claire, est justement une référence au théâtre de Shakespeare, à la tragédie, mais aussi à la comédie, et ce depuis le tout premier épisode.
This is the end:
House of Cards n'a donc jamais été réaliste ni sur le fond ni sur la forme. Il n'a jamais s'agit de politique fiction, on ne s'est jamais inquiété pour personne, on a toujours voulu savoir jusqu'où ils iraient et qui et comment pouvait les empêcher d'aller plus loin. On ne peut juger le caractère ubuesque de la situation sur la seule dernière saison, vu qu'on avait déjà clairement emprunté ce navire là depuis longtemps.
Et, à défaut du face à face promis à l'origine et contrarié par la réalité, cette dernière saison nous offre une issue, ou plutôt un point final totalement cohérent dans sa démesure antique et et son cynisme contemporain. Ce n'est déjà pas si mal, quand la plupart des séries foirent en général complètement leur fin, qui tourne au carnage. Ici, s'il y a carnage, il est prémédité. Et si les cartes s'envolent, ce sera par la volonté de Claire, sa Dame de Pique...
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