Parle à mes mains palmées, assorti d'un regard exorbité.
(Make Over #1: Hands up, collage années 90)
Arrêtons deux secondes les clichés sur la fashion week parisienne.
Et surtout moi qui ait déjà pas mal mitraillé.
La semaine des défilés, ce n'est pas juste quelques mannequins mineurs et/ou anorexiques qui déambulent dans dans des scénographies de plus en plus chelous et puis qui fuient en pull et jeans dans les rues de la capitale.
Non.
Non.
NON.
Ce ne sont pas que des brindilles qui tiennent debout.
Ce sont aussi des troncs qui restent assis...
On ne sait pas toujours ce qu'ils font dans la vie (rédacteurs, acheteurs, bloggers, sa soeur et son masseur) mais on sait ce qu'ils font dans la vue.
La vue de leur terrasse fétiche (ils aiment autant le confit de canard que le latex), où, manifestant leur désaccord permanent, façon sitting, avec la normalité ambiante, ils adorent plomber l'ambiance des rues de Paris.
Ils aiment être vus, mais pas qu'on les regarde, et détourent d'un revers de mèche de couleur non reconnue par les accords de Pantone, leur visage blême et choqué par tant de familiarité oculaire.
Ne leur adressez pas la parole, au risque de vous prendre un "parle à mes mains palmées", assorti d'un regard exorbité.
En cercles fermés et concentriques, ils échangent leur point de vue éclairé sur ce qui est HANHAN ou ce qui est OMG!
Ils n'aiment rien, mais disent le mot like plus de fois par phrase que n'en contient la page facebook de Vogue, soit 4, 315, 854 à l'instant où je l'écris.
Rien n'est acquis, tout y ressemble.
Rien n'est noir, tout est like the new black.
Rien n'est tendance, tout est like so last week in London.
Mais comprenons-les:
Ils ont bien le droit de squatter six heures les tables ensoleillées, mais recouverts d'écran total +BB crême.
Ils sont épuisés de courir assis de taxis en taxis, assis aux premiers rangs des défilés, assis dans le seul sofa backstage ou assis dans l'herbe synthétique à la fête Dirk Van Vollegas pour Veronica's Soutifs.
Ils dorment 3 heures par jour, mangent peu (tiens, pourquoi?) ou alors cinq fruits et légumes par jour, soit quatre bouteilles de raisins blancs et une glace au thé vert.
Je sais j'abuse.
Mais parfois eux aussi.
Je suis certain que parmi eux, je dis eux parce qu'il y a moyen de se sentir exclus, il en a qui rentrent sagement à l'hôtel et devant un plateau repas, avec un bon steack french fries, se marrent en découvrant les voix françaises du Mentalist, de Dexter ou de la Petite Maison dans la Prairie (pour ceux qui vont plus loin dans les chaînes TNT).
Il y en a sûrement qui vont courir aux Tuileries et pas parce qu'ils sont sûrs d'y avoir perdu leur smart phone la veille.
Il y en a qui bossent vraiment, qui rédigent vraiment des articles sur leur iPad dans une chambre minable d'un hôtel en bordure de voix ferrée, qu'ils partagent avec leur correspondante japonaise pour grouper les frais.
Et même qu'ils ne parlent pas japonais, et que du coup, même dire dentifrice-bouchon-fermer, c'est un vrai problème.
Mais ils ne laissent rien transparaître de leurs malheurs, avec cette classe un peu frigorifique et ce vernis noir qui les protègent si bien, tandis qu'ils vous tournent le dos en ne finissant pas le leur.
Finalement assez touchants dans leur techno parade de sophistication, ces anticonformistes oublient qu'à force de grossir leurs rangs dans les défilés ou dans les restaurants, ils finissent par devenir, eux aussi, des moutons (noirs mais bon), et que leur attitude, leurs manières de batraciens baudruches, font parfois penser à la fable de la grenouille qui veut devenir un boeuf, enfle, enfle et enfle encore, si bien qu'à la fin... elle creva.
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