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2010-06-04

Rosa Bonheur: un coin de paradis?


Il est des choses relativement prévisibles.
Comme par exemple un week end ensoleillé où on se rend dans un espace vert tout en sachant qu'il sera pris d'assaut.
Et parmi ces coins de verdure, il existe à Paris un pays merveilleux qu'on appelle les Buttes Chaumont.
Moi, avant, je pensais que c'était des studios télé.
Ce n'est qu'au hasard de la préparation du film Cyprien que j'ai découvert qu'en effet, cela ressemblait un peu à un décor de cinéma.
Une pente en trompe l'oeil (elle est encore plus raide qu'on ne l'imagine), une mare à canard surplombée par un drôle de rocher couronné d'un belvédère.
Kitschissime.
Et là bas, au loin, tout là haut, la promesse d'un Eden autour du café "Rosa Bonheur".
Mais le paradis a un prix.
En bas, tout ceux qui ont renoncé, et ils sont déjà plus de vingt mille.
Une enfant qui a perdu sa grand mère lance la série d'épreuves qui nous attendent dans ce chemin de croix.
Une fois que vous avez joué les anges gardiens, il ne vous reste plus qu'à accrocher vos ailes à vos mollets, partir à l'assaut de la butte et gravir le mon chaud (rappel: il fait trente degrés).
Vous comprenez alors que la mare est remplie des sudations qui s'écoulent depuis des années dans ce haut lieu du farniente.
Chaque parcelle de gazon est en effet envahie par des pèlerins.
De la terre au ciel, le purgatoire a des airs de camping municipal.
Mais vous ne vous découragez pas pour autant et poursuivez votre irrésistible ascension.
Lorsque au bout du chemin, un brouhaha de liesse annonce la terre promise.
Et de promiscuité.
Devant l'auberge, c'est déjà la cohue pour trouver une table.
Et à l'intérieur, l'empoignade pour commander un verre à St Pierre.
L'option retenue est la formule "bouteille de rosé/ pelouse".
Bien entendu, vous n'êtes pas les seuls.
Vous êtes au contraire les plus nombreux.
Je comprends à cet instant pourquoi tout le monde marche si vite dans les grandes métropoles.
Si tout le monde s'arrête, il n'y a plus de place pour personne.
Logique.
Sur le gazon incliné façon piste noire, on profite encore du soleil.
Parfois même en slip, tiens.
Sur un petit carré d'herbe, on installe le campement.
C'est sommaire mais convivial.
Comme au camping on vous dit.
Des liens se tissent.
Et en voyant mes amis qui rougissent un peu d'aise, d'ivresse et de dévotion au dieu Ra, je pense à "Here comes the sun" par Nina Simone.
Le septième ciel.
On remonte la pelouse au fur et à mesure que le soleil décline.
Jusqu'à ce retrouver à nouveau au nirvana et là catastrophe:
On a installé des barrières devant la bâtisse, impossible donc d'accéder au bar sans passer par la case queue de vingt mètres.
L'enfer au paradis?
Le service de sécurité, discret mais efficace, veille en cerbère à ce que personne ne contourne la difficulté.
C'est donc le coeur gros mais léger qu'on renonce donc à prolonger encore cet instant de bonheur chez Rosa.
Les bonnes choses ne sont pas éternelles.
Pas de sauvegarde possible à ce jeu là, la prochaine fois, si on veut danser,  il faudra repasser par le purgatoire et par tous les stages.
Un peu plus tôt peut être.
Et plus tôt que prévu, si j'en crois les prévisions pour ce week end...