Miss Monde contemplant l'univers.
Après La Veine de Julia Roberts, attardons-nous (et c'est une coïncidence) sur le sourire de Mona Lisa.
La Joconde n'est pas une peinture.
Plus depuis belle lurette, en tout cas.
L'objet le plus célèbre au monde, soit.
L'objet qui symbolise la peinture elle même.
Et le témoin N°1 de cinq cents ans d'attractions terrestres...
Le portrait de Lisa Del Giocondo, dont par ailleurs tout le monde se fout éperdument de savoir qui elle était, n'aurait sans doute pas connu un tel succès si François 1er n'avait jeté son dévolu sur la belle impassible.
Exilée en France en 1516, en même temps que son créateur visionnaire, Leonardo da Vinci , génie du dessin doublé d'un doctorat en Emmet Brown, elle passe aujourd'hui ses journées au Louvre, exhibant ses mensurations généreuses (77 x 53 cm) à environ 20 000 curieux par jour.
Et faites le test: en observant cette toile vitrée entre deux bobs "I Love Paris", rien ne se passe.
Et pour cause:
La dame fait tellement partie de notre patrimoine universel et de notre inconscient collectif, qu'on n'en ressent quasi rien à son contact.
Un peu comme quand on entend "Sex Machine" de James Brown à un mariage.
Elle sourit, certes, mais la malicieuse souricette semble presque désincarnée.
Depuis son plus jeune âge, Mona (abréviation de Madonna) a été tellement copiée, reproduite, retournée, détournée, déstructurée, incubée, injectée, gavée, gravée, dégrafée, dénudée, décolorée, décoiffée, rasée, moustachée (par Duchamp), botoxée, botérisée, maquillée, banalisée comme une voiture, volée en 1911, cachée en Italie, récupérée, planquée pendant les guerres, avatarisée, photographiée des millions de fois et et photoshoppée des millions de clics, que nous finissons par la regarder comme elle nous contemple: avec un air de belle indifférente.
Stoïque, elle en a vu d'autres.
Du chef d'oeuvre pictural, elle a glissé ixorablement vers la toile figée qui appartient à tous.
Comme une Marilyn de Warhol.
Comme un Ronald de Mac Donald.
Si elle était en vie aujourd'hui, on ferait sûrement un reality show sur elle, plutôt que de la voir trôner dans un salon sur-coloré chaque été dans une émission d'enfermement où les secrets sont aussi en trompe l'oeil.
On a dit que c'était un homme, on a dit que c'était l'autoportrait travesti de l'artiste.
On dira sans doute un jour que c'est la commandante en chef des aliens venus faire du shopping étoffes à Florence.
Les qualités de la toile elle-même sont passées complètement au second plan, perdues quelque part entre le sentier sinueux et les bois floutés par la brume.
Léonard dessinait des objets volants, et des engins de guerre.
La Joconde les a vus.
Léonard a fait progresser la science.
La Jonconde l'a su.
Léonard a mis sa curiosité au service de Manpower.
Miss Monde est devenue le témoin distant de l'humanité.
C'est cette distance qu'elle affiche, et qui nous manque souvent, cette perspective sur les événements, qui ont fait de Mona Lisa, une jeune femme de 500 ans devenue une attraction universelle.
Et je ne saurais terminer cet exposé en couleurs de primaires, sans citer les paroles de la brune et souriante Lio (abréviation de Lisa Del Gioncondo?) qui avait en somme tout résumé en ces mots:
Mona Lisa,
Tu attends même avec le sourire,
De la Joconde,
La fin du monde, la fin du monde...
PS: Pendant ce temps, Monet lisait (je sors).